• La Communication Non Violente et l’enfant en moi

    Depuis presqu’un an, je découvre tranquillement la Communication Non Violente. Côté bouquins, avec Marshall Rosenberg (déjà évoqué sur les VI), côté web, avec Isabelle Padovani.

    Une des applications de la CNV qui me parle beaucoup c’est l’idée d’entrer en empathie avec soi-même, et plus particulièrement avec l’enfant qu’on était et ses blessures (plus ou moins cicatrisées).

    Récemment, je lisais sur un blog qu’on ne pouvait pas savoir ce que les enfants ont dans la tête. Et c’est vrai. Mais pas parce qu’on est adulte. On ne peut pas savoir ce que les enfants ont dans la tête tout simplement parce que les enfants sont aussi divers et variés que les adultes, les vieux, les femmes, les hommes… Prétendre réduire la diversité enfantine relève autant du stéréotype qu’affirmer « les femmes sont bavardes » ou « les hommes aiment le football ». Par contre, il y a un-e enfant dont nous savons plus ou moins bien ce qu’il-elle avait dans la tête : soi-même.

    L’enfant que j’étais n’est jamais très loin…

    J’ai une très bonne mémoire – mes plus anciens souvenirs sont antérieurs à mes 2 ans – je ne connaissais d’ailleurs pas mon âge à l’époque mais mes parents m’ont permis de resituer les « événements » que j’avais en tête. Les « événements » ne sont d’ailleurs pas forcément ceux qu’on croit : j’ai un souvenir très net du moment où j’ai reçu ce grand lapin jaune mais aucun souvenir de mon frère qui venait alors de naître. Le lapin jaune était probablement, de mon point de vue d’alors, beaucoup plus important.

    J’ai une bonne mémoire des « événements » mais aussi de mes émotions ressenties alors. Cette connexion avec la petite enfant en moi me permet de savoir plus ou moins bien ce que j’avais dans la tête.

    Des exemples parmi tant d’autres me viennent à l’esprit.

    2 ans – la curiosité que suscitait une pochette de 33 tours qui me semblait recéler quelque chose de magique.

    4 ans –l’émerveillement quand je voyais l’effet des gouttelettes d’eau sur le sable, l’amusement lorsque j’utilisais des cerises comme boucles d’oreilles, la tristesse et la frustration quand Denis m’a dit qu’il ne voulait pas être mon copain, ou même un premier émoi amoureux tout enfantin quand je jouais avec Jean-Yves.

    6 ans – le sentiment d’injustice lorsque l’institutrice m’a accusée d’avoir parlé (et punie) alors que j’avais juste prêté ma gomme (pfff n’importe quoi).

    7 ans – l’exaltation en découvrant le calcul écrit – mais on peut tout additionner alors !

    8 ans – le dégoût et l’incompréhension lors de cet abus sexuel (que j’ai pu identifier comme tel qu’un paquet d’années plus tard). Ses gestes me dérangeaient, me dégoûtaient… je ne comprenais pas ce qui se passait, pourquoi il faisait ça, je me sentais coupable d’essayer de me dégager, parce que c’était un adulte, à qui j’étais « censée obéir »…

    9 ans – l’amour en mode épique que j’éprouvais pour Wolfgang, un copain de classe (j’avais le courage du preux chevalier, et dans ma tête j’inventais mille scénarii fantastiques dans lesquels je sauvais mon prince charmant – certes, j’avais des scénarii pas très conventionnels).

    10 ans (et demi) – La révolte… Je prends conscience des attributions stéréotypées des rôles hommes/femmes, de l’autorité parfois arbitraire des adultes. Je rêve que Peter Pan m’emmène, je ne veux pas grandir, le monde des adultes, c’est vraiment trop pourri.

    Et puis l’adolescence… Tout une (autre) histoire !

    Sans mettre en œuvre de démarche particulière, ces émotions peuvent remonter pour un oui, pour un non. Une évocation, un prénom, une photo, des gouttes d’eau sur le sable, me reconnectent en un instant à une petite fille qui s’émerveille, rit, pleure, hurle, ne comprends pas, se révolte… La découverte de la CNV m’incite à écouter ces émotions et à donner de l’empathie à cette petite fille.

    Marshall Rosenberg, dans Les mots sont des fenêtres (ou des murs), aborde l’usage de la CNV dans le rapport à soi-même dans le chapitre 9 « Relions-nous à nous-même avec bienveillance » :

    « En nous reliant à nos besoins, nous développons une aptitude créatrice à agir en harmonie avec eux. »

    Bien que ça ne soit qu’assez loin dans son ouvrage que Marshall aborde cette relation à soi, elle me semble un fondement de la CNV : pour pouvoir exprimer ces émotions auprès des autres, ne faut-il pas être capable de se les exprimer à soi-même ?

    S’il ne parle pas explicitement des blessures d’enfant, c’est néanmoins un des aspects de nous-mêmes à prendre en compte :

    « Nous avons de la compassion pour nous-mêmes lorsque nous sommes capable d’embrasser tous les aspects de nous-mêmes et de reconnaître les besoins et les valeurs exprimés par chacun d’eux. »

    Aussi, s’il n’est pas nouveau pour moi d’avoir des souvenirs, parfois très nets, de mes émotions d’enfant, je découvre à présent la possibilité de témoigner de l’empathie l’enfant que j’étais. C’est également une idée que je retrouve explicitée chez Isabelle Padovani.

    Elle évoque « la temporalité des parts » : « toutes nos parts (…) n’ont pas le même âge. »

    [la vidéo est très intéressante mais difficile à transcrire car le langage est très 'oral'... il faut quelques minutes pour s'habituer à son vocabulaire mais elle est très pédagogique !]

     

    Je me dis qu’entretenir le contact avec nos parts d’enfant est précieux à plus d’un titre.

    D’abord, l’empathie que je développe me permet de prendre soin de moi et de mes blessures, de me connaître, de tirer des leçons de certaines expériences qui se sont (trop) répétées, d’entendre les besoins qui s’expriment parfois maladroitement (parce qu’en fait, parfois c’est la petite fille qui pleure ou crie)…

    Ensuite, je pense que cette écoute peut permettre de rencontrer plus facilement d’autres enfants – y compris ceux qui sont désormais adultes mais qui ont aussi leurs parts enfantines.

    Les enfants sont singuliers, mais entre enfants, on se comprend peut-être mieux ? Il peut être bénéfique de se rappeler c’est quoi « un gros chagrin », un sentiment d’injustice, la joie d’une découverte (devenue banale quand « on est grands ») ou les peurs d’enfants, pour entendre les émotions des enfants qu’on côtoie, et les accueillir.


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